Du 13 - 01 au 23 - 08 - 2020
La bête : un conte moderne de Yasmina Benabderrahmane
Initialement prévue du 13 janvier au 12 avril, exposition fermée au moment du confinement le 16 mars et réouverte le 17 juin jusqu’au 23 août.
L’exposition est ouverte du mercredi au dimanche de 12h à 19h (port du masque obligatoire).
Commissaires : Adrien Genoudet et Diane Dufour
C’est une histoire entre deux rives, celle du Maroc d’hier où les matières sont à ras de la terre et des corps, et celle d’aujourd’hui, entre béton et rocailles. Depuis 2012, Yasmina Benabderrahmane traverse les dunes et les plaines de son pays d’origine qu’elle tente d’apprivoiser par l’image, après quatorze ans d’absence. Dans la vallée de Bouregreg, un nouveau centre culturel, théâtre et musée archéologique, chantier pharaonique du roi, semble une bête couchée, figure d’une modernité en cours qui ronge le paysage et change, peu à peu, la physionomie claire d’un pays ancestral. Plus loin, on découvre les plaines désertiques, calleuses, pelées, de Chichaoua, où sommeillent des villages pavés de temps mort, de traditions que l’on se passe de mains en mains, et où on peut encore entendre la voix adoucie du bouche à oreille et des contes qui rassemblent les familles. Yasmina Benabderrahmane ouvre la voie et nous invite à suivre le chemin qui serpente entre ces deux mondes. Son travail filmique et photographique, en noir et blanc et en couleur – mais aussi sonore – est habité par son histoire familiale, entre métaphore et fragments bruts. Il y a l’oncle, d’abord, figure incontournable des grands chantiers marocains, responsable de la « bête » de la vallée de Bouregreg, garant des sols et de la mémoire, et il y a la grand-mère, un peu plus loin, à Chichaoua, qui boucle le temps et tresse les coutumes, entre henné et viscères.
De ces espaces et de ces corps familiers où se joue l’histoire contrariée du Maroc contemporain, Yasmina Benabderrahmane cherche à s’approcher du détail et des matières, des mains qui façonnent, qui agissent ou reproduisent, au fil des âges, les mêmes gestes. Dans les tons saccadés de la pellicule et ceux, composés, entrouverts, des photographies, l’exposition de Yasmina Benabderrahmane nous invite à une histoire marocaine sensible, minérale et instinctive, où les pierres dégoulinent et le sang caille, et où le regard de l’artiste se pose sur l’intimité du temps qui gît, passe et se retourne.
– Adrien Genoudet