Réseau artcontemporainParis / Île-de-France

Du 20 - 09 au 15 - 11 - 2025

Free to move from chair to chair

Centre d’art Ygrec-ENSAPC
(29 rue Henri Barbusse, Aubervilliers 93300)

Hors les murs : Ateliers W à Pantin
(6 Av. Weber, 93500 Pantin)

« Free to move from chair to chair » est une exposition collective rassemblant des propositions d’artistes autour d’approches plurielles et non-conventionnelles de l’éducation et de la pédagogie. Entrant en résonance avec le « tournant éducatif » de l’art (tout en faisant un pas de côté avec ses formats didactiques et son penchant pour l’utopie), les six artistes exposé·es convoquent à travers leurs oeuvres des gestes plus cryptés ou fragmentaires qui interrogent le rôle de l’éducation, aussi bien comme expérience intime, dispositif ou rhétorique, conditionnement ou enjeu socio-politique aux ramifications multiples. L’éducation, intrinsèquement plurielle, marquée par des dynamiques de transition et de passage, dépasse largement les frontières physiques et institutionnelles. Loin des limites de la salle de classe, elle est ici envisagée comme un champ fluide, traversé par des tensions, des conflits et des réinventions impliquant autant l’espace du politique, de la subjectivité, de la construction de l’image de soi ou de la mémoire collective.

« Free to move from chair to chair » est une citation extraite d’une conversation entre Robert Filliou et John Cage sur l’éducation où l’artiste américain formule l’hypothèse d’une situation d’apprentissage à la flexibilité radicale, tant dans sa disposition spatiale (une salle vide sans place attitrée où l’on serait « libre de se déplacer d’une chaise à l’autre »), que dans son contenu (« rien n’est appris qui n’était déjà connu ou connaissable avant l’avènement de la situation d’apprentissage »). Si les mots “free to move” renvoient, dans la pensée de Cage, à une éducation libre, autodirigée et ouverte à l’indétermination, cette flexibilité pourrait aujourd’hui résonner avec les logiques néolibérales de formation continue, de plasticité individuelle et de savoirs personnalisables et digitalisés, tout comme avec la transformation actuelle d’institutions soumises à l’agenda de l’hyper-adaptabilité capitaliste. Cette ambiguïté ressort des propositions des artistes de l’exposition, qui se confrontent à ces dynamiques contemporaines où le champ de l’éducation se croise avec des logiques spectaculaires, de décentralisation technologique ou de captation attentionnelle. Chaque geste présenté vient en même temps dessiner une voie d’expression sensible qui valorise l’art dans sa capacité à produire un savoir non quantifiable et à ouvrir des possibles pour agir sur le tissu institutionnel.

Cette exposition offre ainsi une vue, actuelle, hétérogène et nécessairement partielle, sur la façon dont les artistes peuvent participer à reconsidérer sous un nouveau jour les structures de transmission et les récits liés à l’éducation à l’ère du néo-libéralisme. Elle cherche en même temps à ouvrir des perspectives plus allusives qu’illustratives, suggestives que démonstratives sur un thème habituellement abordé par l’art sous l’angle de l’alternative utopique. Les propositions artistiques sont complétées par des contributions écrites des artistes. Ces textes théoriques, littéraires, ou hybridant ces deux registres, seront rassemblés dans un objet éditorial. Ils reprennent et élargissent le dialogue ouvert par les oeuvres présentées dans l’exposition. Dans leurs approches expérimentales des formats écrits et discursifs valorisés dans les parcours éducatifs traditionnels (thèses, mémoires), ces contributions mettent également en jeu leur réappropriation et offrent divers points de vue sur la recherche-création actuelle concernée par ces enjeux de pédagogie comprise dans un sens élargi.

Les réflexions liées à ce projet ont également été nourries par un ensemble d’entretiens conduits par les commissaires avec des personnes impliquées dans des pratiques et des recherches liées à l’éducation (universitaires, enseignant·es, syndicalistes, artistes, directrice d’école d’art, etc.). Ces entretiens retranscrits sont proposés à la lecture au sein de l’exposition, permettant d’élargir et compléter le faisceau des questionnements soulevés par les oeuvres, en multipliant les voix et les points de vue situés sur une actualité en constante négociation et, plus que jamais peut-être, sous le feu des réécritures néo-libérales du savoir et des obscurantismes révisionnistes. Lors d’une exposition associée aux ateliers W à Pantin le 31 octobre, deux groupes d’étudiant·es de l’Ensapc et de l’Ensad de Limoges présenteront des oeuvres réalisées dans le cadre d’un workshop. Ce second volet de Free to move from chair to chair ouvre un espace de dialogue entre étudiant·es et artistes où se croiseront des perspectives sensibles, critiques et imaginaires sur l’éducation et l’apprentissage.

Enfin, le Centre d’art Ygrec-Ensapc a la particularité d’être un espace d’exposition rattaché à une institution d’enseignement artistique. Cette proposition se penchant sur des questions éducatives à travers les voix d’une jeune génération d’artistes, elles et euxmêmes issu·es d’écoles d’art, trouve une mise en situation particulièrement propice à encourager des effets de résonances avec le lieu de formation où l’acte d’apprendre engage simultanément un travail sur soi, sur les structures, et sur les conditions mêmes de l’émancipation.

Artistes
Guillaume Maraud, Irma Name, David Posth-Kohler, Julie Sas et Angharad Williams. Commissariat : Ana Braga, Clara Guislain et Guillaume Breton.

Visuel : Courtesy of Angharad Williams and Schiefe Zähne, Berlin, The child is the father of the man, 2020